Départ de Paris à 7h30 après une trop courte nuit. Le poignet va à peu près. Les rues sont encore bonnes à cette heure. Direction le nord : Saint-Denis, Sarcelles, Villiers-le-Bel.
Le théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis |
A Chantilly, il fait gris mais le soleil n'est pas loin. Je tombe sur une rue au nom propice.
Cette rue mène à un petit musée appelé le "Pavillon de Manse", qui détaille le fonctionnement des machines hydrauliques alimentant en eau le système des fontaines du château de Chantilly. Comme il est tôt, il n'y a personne, j'ai le musée pour moi toute seule. Je fais clic-cloc avec mes chaussures à cales. J'admire la réplique de la machine hydraulique du prince de Condé, un dispositif qui marche mieux qu'une simple noria puisqu'il peut faire monter l'eau au dessus du niveau de la roue à aubes. Il repose sur le principe du bélier hydraulique.
Il est temps d'aller voir le château. Je me perds un peu.
"Pardon Monsieur, où se trouve le château ?
- La jeune fille à vélo elle veut voir le château. Eh ben c'est pas loin, c'est juste par là, mais tu vas souffrir parce que c'est comme Paris-Roubaix, c'est que des pavés.
- Ah ! Ça ne fait rien. Merci."
Si, ça fait. Parce que le vélo en carbone n'aime pas les chocs, et si je marche mes chaussures glissent sur les pavés. Je roule donc sur un talus herbeux. Et puis j'arrive au château. Il y a un rayon de soleil.
Le château de Chantilly, avec rayon de soleil |
Senlis, c'est joli, mais c'est plein de pavés. J'essaie de traverser une route, mon pied glisse sur une traître dalle, je m'étale de tout mon long ainsi que mon vélo, et me voilà la risée des passants. Je me relève, aussi dignement que possible en pareille circonstance. Les cales de mes chaussures sont desserrées, je m'assieds sur un banc pour arranger ça. A la cathédrale j'entre dans un café pour remplir ma bouteille. Il y a deux serveurs bien habillés. En fait ce n'est pas un café, plutôt un restaurant chic. Je demande de l'eau, le premier serveur se tourne vers le second en lui tendant ma bouteille:
"De l'eau bien fraîche pour la jeune fille, s'il te plaît." L'autre s'en va chercher de l'eau.
"Vous venez d'où comme ça ?
-- De Paris.
-- Ah bon ? Mais vous êtes, euh, pro ?
[Dis-lui que tu prépares le tour de France féminin. Allez.]
-- Non, non, j'aime bien le vélo, c'est tout."
En route vers la forêt. Je passe par Ognon, puis Brasseuse, je commence à avoir faim -- mais point de vivres dans ces villages minuscules. J'arrive à Raray par un temps très instable. Un château est indiqué ainsi qu'un golf, je fais un petit détour pour aller voir. On dirait Moulinsart.
Le château de Raray |
Sortie du golf (c'est chic) |
Ceci est un panneau indicateur. |
"Je yray voir mes bons amys de Compiengne" |
Je m'endors un peu sur un banc, le soleil est revenu pour un temps. Puis, les bords de l'Oise et la maison de Jean-Claude et Françoise. On boit du kir et on raconte des choses. Leur petite-fille de cinq ans est un peu intriguée par la cycliste. Je sers d'alibi: "Léna, est-ce que tu vas manger du veau aux carottes comme Marine ?" Je la traite de grenouille. Elle me traite de crapaud. Puis il est neuf heures, c'est tard ! Je vais dormir.
Le lendemain le vent est au sud, et ainsi toute la journée. Ça fait du bruit dans mes oreilles, je voudrais du silence. Jean-Claude et Françoise m'ont conseillé d'aller à Saint-Jean au Bois, dont les habitants sont appelés les Solitaires. Une très ancienne abbatiale est tout au centre, au milieu de petites maisons de pierre.
Puis je me dirige vers Pierrefonds. Je monte au château, je visite en chaussettes pour ne pas abîmer le parquet.
Ce chevalier a l'air content. Il n'a que faire du temps qu'il fait, ni même du temps qui passe. |
La "salle des Preuses" : Viollet-le-Duc s'est fait plaisir. |
Crépy en Vallois. Il s'agit à présent d'éviter la Nationale 2 qui est impraticable, et pourtant la seule route directe. Le ciel est très chargé, de temps en temps quelques gouttes de pluie, le vent ne cesse pas, la densité du trafic augmente... Je longe Roissy et c'est un peu triste. Aulnay-sous-Bois. Les voitures vont vite et font des bêtises. Moi aussi : mes cales sont abîmées (j'ai un peu trop marché avec), et ça devient plus difficile de les fixer aux pédales. Drancy. Pantin.
Quand j'arrive en un lieu connu tout mon être est rasséréné d'un seul coup.
Au restaurant de Mohsen et Anne-Marie c'est la fête de la reine de Hollande ! Tout le monde mange des Bitterballen, de drôles de brochettes avec une sauce sucrée et du hareng au pain noir. Quelqu'un me dit que la recette des brochettes vient d'Indonésie, que tout ça n'est au fond qu'une affaire coloniale. On chante l'hymne hollandais, ou l'on fait semblant. J'en profite pour raconter à Fouad mes débuts difficiles avec les pédales automatiques. Il éclate de rire au récit de ma chute, s'esclaffe un bout de temps, et s'empresse de raconter l'anecdote à qui veut l'entendre.
Une grande file indienne, festive au plus au point, circule dans la rue Daubenton sous le regard interloqué des clients plus sages d'autres restaurants. Jaloux, sans doute. C'est chez Gepetto qu'on s'amuse. Fouad : "Eh, moi je suis pas Hollandais, hein ! Oh."
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